Situation Politique: “L’Excursion du siècle”
Certains faits sont ridicules, mais les faits sont têtus, on n’y peut rien. Les agissements de certains responsables frisent le comique, mais ce sont des faits.
La panique dont certains s’emparent côtoie le risible, mais c’est un fait. Dans toute l’histoire de Madagascar, on n’a jamais connu une excursion aussi célèbre, aussi médiatisée, que celle que l’opposition compte organiser demain samedi.
La longue file pour l’inscription afin de participer à cette excursion ne s’est pas interrompue au siège de la station MBS Anosipatrana. Cette « sortie » est redoutée par les gouvernants car cela sonnerait comme un premier gong alarmant contre leur position. Au point pour le Préfet de Police d’Antananarivo Renivohitra d’avancer des recommandations – pour ne pas dire menaces – à l’allure rocambolesque avec cette histoire de demande d’autorisation qui n’a pas de fondement, ni par la forme, ni par le fond, aux yeux des organisateurs. Cette excursion de masse fait apparemment peur aux tenants du pouvoir bien qu’elle se fasse en dehors de la capitale et sous l’ombre des pins, sur les champs de verdure, loin de l’air pollué de la capitale. L’Etat la considère comme un mouvement qui risque de dégénérer et qu’il compte stopper avant qu’il n’en perde le contrôle.
L’émission radio-télévisée « Miara-manonja » rassemble beaucoup d’auditeurs chaque jour. C’est un moyen pour l’opposition de s’exprimer librement, sur lequel elle compte pour combler le vide faute d’avoir accès aux médias nationaux publics. De son côté, conscient certainement de la faible audience que procurent la radio et la télévision nationales dans la capitale, et le succès obtenu par ses adversaires, le pouvoir a tout simplement copié la méthode émission commune en « fédérant » des stations radios privées principalement dans la capitale. La réponse du berger à la bergère, le parallélisme des formes, mais manque de créativité aussi. Pire, ce sont des journalistes, censés être des observateurs véhiculant les faits et les informations, qui s’occupent des tâches ingrates pour « protéger » le pouvoir, loin de leur éthique, loin de leur objectivité.
Cette excursion sera un moment de retrouvailles entre les déçus de la dernière élection présidentielle, lesquels se sentaient lésés, frustrés, spoliés, au lendemain des révélations sur l’existence de plus d’un million de doublons dans la liste électorale. Un moment de retrouvailles mais un moment de partage également, pour mieux affûter les armes, mieux se préparer aux éventuels enjeux politiques et électoraux. Ce sera un moment pour ces milliers de partisans du TIM et du RMDM de montrer leur solidarité face à un régime quasi en pilotage à vue, dépassé par les événements, et un régime qui n’arrive pas vraiment à satisfaire les besoins vitaux de la population que par des mesures parsemées, des mesures « tip top » (à l’image de ces forages par arrondissement, le changement de kapoaka), ou encore du travail en HIMO intermittente.
Pour une fois, le rassemblement en mode divertissement séduit les citoyens, las du confinement, las de remplir d’eau les sceaux et autres bidons, la nuit, las d’acheter du riz à 900 Ar le kapoaka, las de voir les richesses du pays s’envoler vers d’autres pays, las de l’insécurité, de justice populaire…
Ce serait donc « l’excursion du siècle », historique, grave sur le plan politique, mais tout aussi humoristique, quant à sa dimension sociale.
