Politique

Conjoncture: Ravalomanana, le pire cauchemar de Rajoelina

Malgré sa victoire aux présidentielles de 2018 et une décennie après l’avoir évincé de force du pouvoir, Andry Rajoalina continue d’attaquer Marc Ravalomanana. Mais ses accusations qui ne se fondent sur aucune preuve concrète s’apparente souvent à de la diffamation publique.

Désormais, Andry Rajoelina a passé autant de temps au pouvoir que celui qu’il avait évincé de force du fauteuil présidentiel en 2009.  Cumulé avec les cinq années de Transition (2009-2014), il entame donc sept année à la tête du pays. Quel bilan en tirer? Le pays va-t-il mieux aujourd’hui qu’en 2008, au moment où, avec le soutien d’une frange de l’armée qui s’est mutinée, il avait pris de force le pouvoir au nom du changement, détruisant par la même occasion la vie et les biens de milliers de personnes, mettant à feu et à sang le pays et dont les séquelles restent vives jusqu’à ce jour?

Les victimes innocentes des vols, pillages et exactions de cette période attendent toujours à l’heure actuelle d’être indemnisées mais en vain. Le groupe Tiko en fait évidemment partie. Aurait-on déjà oublié que ses usines et magasins ont été brûlés et pillés, ses camions et véhicules volés et surtout, un des plus grands scandales de l’époque, des milliers de tonnes de riz stockés dans les hangars du port de Toamasina étaient tout simplement enlevés de force? La société lance à l’heure actuelle un appel à témoin par rapport à ces exactions et invitent également les autres victimes à faire autant.

En tout cas, serait-ce le souvenir de ces périodes «embarrassantes» qui fait que Marc Ravalomanana semble encore et toujours hanter les nuits de Andry Rajoelina une décennie plus tard? Visiblement, sa victoire prononcée par la Haute cour constitutionnelle (HCC) aux présidentielles de 2018 n’a pas encore suffit à restaurer la paix intérieure de celui qui avait perpétré le coup d’Etat de 2009. La preuve, son émission dominicale du 12 juin a encore une fois été largement consacré au dénigrement de celui qui semble être son pire cauchemar. Même si le nom de ce dernier n’a pas été prononcé, il est clair qu’il voulait sous-entendre des responsabilités du régime Ravalomanana sur la fuite des 193 millions de dollars destinés à l’aide au développement de Madagascar dans les paradis fiscaux.

Sauf que, par ignorance ou oubli volontaire, il a d’abord omis de dire qu’il s’agit d’une étude et non d’un rapport, c’est-à-dire donc qu’elle est basée sur des analyses et non sur des  faits. Et puis et surtout, le chef de l’Etat a parlé d’un rapport concernant la période de 2002 à 2010 alors qu’il touche en réalité la période entre 1990 et 2010. Pourquoi avoir volontairement faussé ces dates? Voulait-il épargner son «ami» et allié déclaré, l’amiral Didier Ratsiraka, dont les faits d’armes en une vingtaine d’année de pouvoir ne sont plus à présenter?

En tout cas, c’est une pratique peu recommandable, voire indigne de la part d’un chef d’Etat de manipuler ainsi des informations à des fins politiques, alors qu’aucun nom n’a été cité dans le document. Et aucune preuve sur la responsabilité d’une personne en particulier n’a été établi. C’est également le cas pour les usines du groupe Tiko à Vohidiala et au port de Toamasina. Le président semble avoir oublié qu’il y a certainement des contrats liés à ces projets et qu’une investigation facile qu’il aurait dû faire faire par ses collaborateurs aurait suffi pour éclaircir les choses. En tout cas, dans le jargon journalistique, diffuser de fausses nouvelles à un nom, cela s’appelle de la diffamation publique et c’est indigne et honteux pour un pays démocratique que des exemples viennent ainsi du plus haut niveau de l’Etat.

A moins que ce soit tout simplement la confiance et la relation privilégiée de Ravalomanana vis-à-vis des partenaires techniques financiers du pays qui dérangent Andry Rajoelina. Faut-il oublier que, durant le même nombre d’année de pouvoir, «Dada» dépasse de très loin les réalisations de l’actuel président ? C’est lui qui a reconstruit la route nationale 6, reliant Antsiranana et Ambondromamy et à son époque, grâce à l’état exceptionnel de la route, il était devenu possible de faire les 1000 kilomètres séparant Antananarivo et Toliara en 12 heures, en partant le matin pour pouvoir admirer le coucher du soleil au jardin de la mer. Sans oublier les milliers de CSB, les écoles, le boulevard de l’Europe, la route By pass etc. Et faut-il également rafraichir la mémoire que le Centre de conférence international (CCI) d’Ivato qui accueille autant d’évènements nationaux aujourd’hui est un projet de Ravalomanana? Faut-il également oublier qu’il avait une vision véritablement avant-gardiste dans la lutte contre la corruption en créant le Bianco et le Samifin?

Sur le plan international, c’était en reconnaissance de la performance de son régime que Madagascar avait obtenu un effacement total de ses dettes par les bailleurs de fonds et que les Américains avaient décidé de choisir Madagascar parmi les pays privilégiés et triés sur le volet, bénéficiaires du programme Millénium challenge account (MCA).

Le sujet sur les bailleurs de fonds qui dérange justement Andry Rajoelina  et qui met à mal, une fois de plus, sa stature d’homme d’Etat. Durant sa campagne électorale, il avait déclaré urbi et orbi ne pas avoir besoin des bailleurs de fonds traditionnels alors que le montant des aides budgétaires exceptionnelles accordées par nos partenaires techniques et financiers en ces temps de crise fait partie des rares faits vendables qu’il vend parmi ses «zava-bita». Au nom du respect de la parole donnée, pourquoi n’a-t-il pas refusé ces aides?

Serait-ce la demande de transparence sur la gestion des 500 millions de dollars d’aide destinés à la lutte contre le covid-19 qui est à l’origine de cette foudre présidentielle? Rien de plus simple et plus judicieux pourtant que de donner des informations sur l’argent public et si tout est fait selon les règles, ce sujet n’a rien de politique. C’est tout simplement une expression de la bonne gouvernance, à moins que cela reste un vain mot à Madagascar.

 

 

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page