OpinionsPolitique

Indemnisation de TIKO SA: Quand l’Etat va-t-il payer ?

"Les gouvernants actuels ne cessent d’exposer les victimes des pillages organisés de 2009 aux différentes intimidations à caractère fiscal...ce qui ne sied pas à l’esprit de la réconciliation nationale".

Le « kere » sévit dans le sud de Madagascar mais sous une autre forme que celle vécue par les travailleurs de Triple A et les anciens employés de Tiko SA. Traduction de la famine, les deux « kere » se distinguent par leur contexte. Celui qui frappe le sud du pays est le résultat de l’absence d’une politique efficace en matière d’alimentation sociale, du manque de vision socio-économique, et du déphasage de la priorisation des urgences au profit de la population rurale. Tandis que celui martyrisant les travailleurs de Tiko et de Triple A se traduit par la perte d’emploi depuis pas mal de temps à l’encontre de ces derniers.

Faut-il rappeler que Tiko avait employé au minimum 5 000 personnes dans tout Madagascar et avait engendré par la circulation de ses produits agroalimentaires au moins 10 000 travailleurs induits. Le résultat pour les deux « kere » reste le même : des citoyens affamés.

Beaucoup de Malgaches ont été surpris, ces derniers temps, de savoir que l’Etat malgache n’a pas jusqu’ici honoré ce qu’il devrait payer à Tiko SA et aux autres victimes, car ils ont même pensé que c’était grâce à l’indemnisation des victimes des pillages organisés de 2009 que Tiko a pu fonctionner ces derniers mois. Ils se sont trompés, l’Etat n’a versé aucun ariary, jusqu’ici, pour sa part. Le CFM (Conseil du Fampihavanana Malagasy), une « institution » jugée trop docile et malléable, a avancé qu’il faudrait l’existence d’un fonds national de solidarité pour que le processus de l’indemnisation soit lancé. Car la Loi 2016-037 relative à la Réconciliation nationale en parle dans son exposé des motifs. « …Conformément aux dispositions des articles 25, 26 et 27 de la Feuille de Route du 17 septembre 2011 pour la sortie de crise à Madagascar, insérée dans l’ordonnancement juridique par la Loi n°2011-014 du 28 décembre 2011, il a été décidé, la mise en place du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM), représentant les diversités et sensibilités de la population malagasy. Bien que le Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) ait entrepris d’une part, le traitement des dossiers d’amnistie dans les limites de ses compétences données par la Loi n° 2012-010 du 30 juillet 2012, d’autre part, des consultations régionales et nationales ainsi que l’étude d’avant-projet de loi relative à la réparation et/ ou indemnisation et au Fonds National de Solidarité, force est cependant de reconnaître, que le Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) est loin d’avoir atteint les résultats attendus », lit-on dans ledit exposé des motifs. Un constat qui reste récurrent. A qui la faute ? Les gouvernements successifs rechignaient à payer les victimes, jusqu’ici.

Les défenseurs et responsables de Tiko au CFM.

Le CFM n’ayant pas de pouvoir contraignant, ni la Transition, ni le régime Rajaonarimampianina, ni l’actuel pouvoir, ne s’est pas précipité à mettre en place les véritables bases du processus de la réconciliation nationale. Ce « déni » semble être devenu la règle, car certains acteurs se sentent gênés d’autant plus qu’ils sont considérés par leurs adversaires à la fois comme instigateurs des pillages et entités décideurs. Pire, les gouvernants actuels ne cessent d’exposer les victimes des pillages organisés de 2009 aux différentes intimidations à caractère fiscal, dont surtout Tiko, ce qui ne sied pas à l’esprit de la réconciliation nationale.

Tiko SA avait avancé 1 461 367 732 146, 49 ariary comme préjudice financier. L’Etat, lui, avance des « impôts impayés » dont on ignore le mode de calculs et tergiverse sur la mise en place du fonds national de solidarité. Presque toutes les infrastructures de Tiko dans tout Madagascar ont subi des dégâts importants. Ces derniers jours encore, les anciennes unités de production ont été détruites avec fougue. Une vengeance politique, dirait-les uns, la peur de la prochaine élection présidentielle, arguent les autres. Toujours est-il que l’image envoyée par le pouvoir en place ne milite pas pour l’apaisement. C’est à croire qu’il fait tout pour déstabiliser l’assise de son propre mandat. Serait-on assez dupe pour ignorer que l’histoire politique de Madagascar a toujours connu des étapes douloureuses qui ont, à terme, une fin ?

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page