Politique

Urgence sanitaire-Marchés publics: Inquiétude justifiée sur la gestion opaque des financements

L’existence d’un conflit d’intérêt avéré sur une facture relative à un marché public liée à la lutte contre le Covid-19 conforte la demande de ceux qui réclament depuis longtemps la transparence sur la gestion des financements affectés à la lutte contre cette maladie.

La femme qui signe la facture, le mari qui donne son feu vert pour son paiement. C’est l’exemple parfait de ce qu’on peut qualifier de conflit d’intérêt dans la procédure de passation de marchés publics. Il peut entrainer la nullité de la procédure et même des sanctions qui peuvent être pénales à l’encontre des contrevenants. Peu importe qui a payé puisqu’il s’agit au final de l’argent des Malgaches, qu’il soit donné ou prêté par les bailleurs de fonds.

Et c’est ce qu’on reproche justement au ministre de l’Intérieur, Tinarivelo Razafimahefa, qui a donné son feu vert au paiement d’une facture relative à l’achat d’équipements pour un système de réseau de vidéo-surveillance et dont le fournisseurs est une société dont sa femme de par son statut de Directrice commerciale est chargée d’établir et de signer les factures.

Evidemment, comme il est d’usage dans le monde des entreprises, madame Razafimahefa pourrait sans doute avoir droit à une commission pour avoir réalisé une vente de plus de deux cent millions d’ariary des produits phares de la société qui l’emploie.

C’est justement pour éviter que ce genre de pratique ne devienne la règle dans l’utilisation des financements affectés à la lutte contre le Covid-19 que plusieurs entités, à commencer par la société civile, les politiciens et simples citoyens réclament en vain la transparence sur ce domaine. Quelle est la procédure de passation utilisée ? S’il s’agit d’un marché de gré à gré, qu’est ce qui le justifie ? Pourquoi ? Qui sont les adjudicataires et pourquoi sont-ils choisis parmi d’autres ? Autant de questions qui nécessitent la transparence réclamée depuis cinq mois alors que le montant des aides destinées à la lutte contre le coronavirus avoisine à l’heure actuelle les 700 millions de dollars. Et face à cet exemple, les inquiétudes sur un possible abus des autorités dans le contexte d’urgence actuel sont plus que fondés. C’est, peut-être, également la raison qui peut expliquer le peu d’enthousiasme de l’Etat à fournir les détails réclamés par la société civile sur les dépenses.

Razafimahefa tente de porter l’affaire sur le terrain politique

Dans le cas de ce marché qui fait l’objet de scandale, il s’agit d’équipements destinés à un réseau de vidéosurveillance. Est-ce que l’urgence qui peut justifier le recours à la procédure de gré à gré est-elle fondée dans ce cas de figure ? Et pourquoi choisir la société TED dont les produits sont loin d’être parmi les moins chers du marché dans ce domaine ?  D’ailleurs, les prix anormalement élevés des équipements ont été un des éléments déclencheurs des indignations dans cette affaire pour ne citer que l’écran plat de 86 pouces à plus de 23 millions d’ariary.

En tout cas, Tianarivelo Razafimahefa s’est empressé de porter l’affaire sur le terrain politique pour sa défense en se déclarant comme étant victime d’une cabale. Mais, comme on dit, il n’y a jamais de fumée sans feu. D’ailleurs, on se demande comment ce document très sensible a pu fuiter sachant que, outre la société émettrice de la facture, le ministère et l’organisme payeur devraient être les seuls à avoir accès aux originaux.

Il n’est donc pas impossible qu’une personne au sein de ce dernier, ayant compris l’existence de ce grave conflit, soit à l’origine de la fuite, étant légalement impuissant pour le dénoncer. Sur le plan technique, les arguments de Tianarivelo Razafimahefa scandalisent d’ailleurs plus d’uns en déclarant que l’argent n’est pas sorti des poches de l’Etat. Le favoritisme est-il donc autorisé lorsque le fonds ne sort par directement des caisses de l’Etat ? Et c’est justement à cause de ce genre de pratique que, d’une manière générale, les bailleurs de fonds préfèrent ne pas confier directement l’argent qu’ils donnent à la partie malgache. Mais comme on dit chez nous, « ny ratsy tsy kely làlana », certains y trouvent toujours leurs comptes.

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